Dans son livre “Pour ou contre ?”, Héloïse Junier s’interroge sur les grands débats de la petite enfance, à la lumière des connaissances scientifiques. Avec une pointe d’humour, elle répond à des questions que tous les parents sont souvent amenés à se poser.

Une photo qui donne le sourire

Les journées de travail sont parfois longues, surtout sans voir l’adorable bouille de votre enfant. Soudainement, au plein cours d’une réunion barbante entouré de gens pas toujours agréables, la nounou vous envoie une adorable photo de votre enfant, les doigts pleins de peinture, en train de réaliser une œuvre d’art digne d’un Picasso. Cela suffit pour vous redonner le sourire, et de l’énergie pour toute la journée !

Participer à la vie de son enfant

Les premières années de l’enfant sont charnières. Il développe sa motricité, apprend plein de nouveaux gestes et de nouveaux mots. On a parfois peur de rater ses petits moments de vie, qui sont pour nous très importants. Demander à la nounou d’envoyer des photos est un moyen pour les parents de participer à la vie de leur loulou. Mais en plus de garder un lien, cela permet aussi aux parents d’avoir une certaine confiance vis-à-vis du personnel qui s’occupe de la prunelle de leurs yeux. Dans son livre, Héloïse Junier confirme : “Cette pratique à un avantage précieux : celui de favoriser la construction du lien de confiance entre les parents et le lieu d’accueil. Un parent anxieux à l’idée de confier son enfant sera rassuré de le voir serein dans son lieu de vie, en train de manipuler un livre, ou d’interagir avec un autre enfant”.

Rassurer les enfants

Si lorsque l’on parle de la question de la photo, on pense particulièrement à la question du bien-être des parents, il faut aussi se placer du point de vue de l’enfant. La psychanalyste Véronique Salman explique “Avant l’âge de trois ans, l’enfant a du mal à se représenter, de manière permanente sa figure principale d’attachement. L’idée de savoir qu’on le prend en photo pour ensuite la montrer aux parents, va potentiellement le rassurer. Il va se dire que ses parents pensent à lui, qu’il existe en eux même s’il n’est pas avec eux ».

Un hypercontrôle des parents

Néanmoins, demander à la nounou ou à l’assistante maternelle d’envoyer des photos de leurs enfants, à un côté parfois intrusif. On entre dans le périmètre de sécurité de l’enfant, et de la personne qui s’occupe de lui. La psychanalyste émet une comparaison : “En tant que parents, vous n’aimeriez pas que votre enfant vienne sauter sur votre lit tous les jours, car votre chambre c’est votre espace. Là c’est un peu pareil. L’espace de la nounou est un endroit qui lui appartient, dans lequel les parents ne rentrent pas”. Une demande systématique de photos est donc néfaste, puisque cela revient aussi à vouloir contrôler toute la vie de l’enfant, ce qui n’est bénéfique pour personne. “Dès lors qu’un parent veut tout savoir tout le temps, c’est le signe d’un manque de confiance inconscient envers la nounou, alors qu’elle a été présentée à l’enfant de la meilleure des manières. Ce n’est pas cohérent ”, poursuit la psychanalyste.

Une perte de temps pour la nounou

La prise régulière de photographie pose aussi le problème du numérique. On nous le répète souvent : nous passons trop de temps devant les écrans. En prenant des photos, et en les envoyant aux parents, le personnel passe moins de temps auprès des enfants. Eh oui car l’assistante maternelle ou la nounou va sûrement prendre plusieurs photos de chaque enfant avant de sélectionner la bonne. Puis il faut ensuite en envoyer une à chaque parent, et ensuite faire du tri parmi tous les clichés… si on additionne tout, cela prend plusieurs dizaines de minutes, qui auraient pu être mises à profit pour lire une histoire, ou faire un petit jeu. “Ce temps mobilisé est tout simplement du temps “volé” à des activités plus bénéfiques pour les enfants accueillis« , affirme l’écrivaine. Elle poursuit : “Les smartphones volent l’attention des adultes, et limitent le plaisir social”.