Faire en douce, faire quand même. Ne pas se conformer aux bonnes pratiques, ne pas obéir comme un mouton, ne pas se laisser dicter sa loi. Ne pas… ne pas… L’individualisme s’hypertrophie souvent dès l’arrivée d’un risque de frustration. Individualisme doublé d’un esprit rebelle qui l’emporte beaucoup, ces derniers temps. Triplé par une bonne dose de scepticisme. Quadruplé par la tentation complotiste. Quintuplé par le déni, personnel ou collectif. Comment sortir de ce schéma contre-productif ?

La question du « comment supporter le confinement ?  » revient à nous demander ce que nous sommes face à la perte de nos repères et ce que nous nous autorisons devant l’interdit. D’une manière générale, le changement est le plus souvent associé à une perte.

Pour illustrer mon propos, je vous relate un jeu que je propose souvent à mes étudiants ou les managers qui me consultent au titre du coaching. Je demande à deux d’entre eux de venir sur le devant de la salle et de s’observer bien attentivement, de pieds en cap, de face et de dos. Puis, j’émets la consigne : « changer trois choses« . C’est tout. L’un des participants reste avec le reste du groupe, j’accompagne l’autre dans le couloir. Spontanément, il me tend sa montre, son foulard ou une barrette de cheveux. Il change de côté un bracelet. Puis, nous retournons dans la classe, les deux participants s’observent et jouent au jeu des erreurs.

Qu’observons-nous dans de telles situations et ce, de manière universelle, car ce jeu est pratiqué dans le monde entier ? Il apparaît que dans 85 % des cas, les gens ôtent quelque chose, pour respecter la consigne de « changer » trois choses. Ils associent donc le changement à la perte. Dans 10 % des cas, ils ne modifient pas leur état, se contentant de changer de côté un accessoire. Ils sont stagnants. Et dans 5 % des cas constatés, ils demandent un accessoire au public ou à moi-même. Ainsi, par cette démarche, ils se montrent aptes à vivre un changement en gagnant quelque chose et non en perdant. Cependant, depuis des décennies que je pratique ce jeu, je ne l’ai jamais observé. Je n’ai jamais rencontré une personne ayant associé le changement à un gain ! Troublant n’est-ce pas ?

Alors, dans le cas de ce confinement dû à l’exigence que nous avons tous de parer à un dangereux virus et son épidémie associée, la question du changement possible en chacun de nous devient cruciale.

Certains, spontanément, voient dans la situation une opportunité de se mettre en protection, de calmer le jeu, de faire tant de choses qu’ils ne peuvent mettre en oeuvre habituellement, faute de temps, ce qu’ils disent si souvent déplorer. Ils sont très autonomes et savent quoi faire, comment occuper le temps et l’espace, seuls ou accompagnés d’un cercle très restreint fait de conjoints et d’enfants. Ce sont des solitaires consentis.

D’autres ont spontanément envie de transgresser, faire en douce, en catimini. Les débrouillards à l’esprit de contradiction, vont fatalement voir dans la situation présente une consigne vécue comme une contrainte, une obligation. Ils créent en eux une réfraction face à la notion d’autorité. Donc immédiatement, ces gens là, faussement autonomes, vivent la crise sanitaire comme une tentation de faire en cachette, de faire quand même, de fédérer autour d’eux. Ils ont surtout du mal à cesser de « faire comme d’habitude« , à modifier quelque chose de leur quotidien, ils ont peur du changement et de la solitude. Ils sont des rebelles dépendants qui ne peuvent se définir que par leur activité habituelle. Se repenser paraît inaccessible.

Et c’est vrai, face à ce coronavirus, nous avons peur. Une peur si viscérale qu’elle en devient suspecte pour soi-même. Personne ne se reconnaît dans de telles angoisses, face à la pandémie, la maladie, la souffrance et la mort. Quand l’être humain a peur, il peut sur-réagir en mode réfractaire. Son esprit rebelle s’échauffe. Son sens de la contradiction trouve là son creuset d’expression. Parce qu’ils ont toujours défié le cadre et l’autorité, les rebelles pensent continuer à le faire comme si l’État ou le Gouvernement représentaient en eux les parents à qui il faut dire non d’office.

Donc vous voyez bien que, dans une situation de confinement, le rebelle se trouve confronté à sa frustration et à sa dépendance affective. Le solitaire vit le confinement comme une opportunité.

Et là, au rebelle, il faut lui dire qu’il a le choix : soit de continuer à être en compétition avec les événements, soit en coopération. Parce que c’est bien sa partie infantile en lui qui refuse d’accepter ce qui est, celle qui compose sa Toute-puissance, celle qui lui fait croire qu’il peut tout, simplement parce qu’il en a besoin.

L’autre partie de nous-mêmes est plus raisonnée, plus adulte. L’Adulte, c’est la dimension analytique de la personnalité, celle qui réfléchit en fonction de la situation et de son évolution. La partie Adulte peut admettre son impuissance face à une pandémie, une crise sanitaire de cette ampleur. Ainsi, l’Adulte en chacun de nous, qui se confronte à son impuissance, contacte là son humanité, c’est-à-dire, qu’il convient que l’humain n’est pas parfait, qu’il est fragile face à ses prédateurs, comme les virus, et qu’il doit retrouver son instinct de survie et de protection pour lui et les siens.

Aussi, quand j’entends de la part d’une de mes patientes : « je me sens comme dans un tombeau vivant« , elle est dans sa régression infantile, sa rébellion intérieure. Quand j’entends de la part d’un d’un cadre supérieur que sa vie « va devenir insupportable » parce qu’il pense impossible de cohabiter avec son épouse et leurs deux enfants, je sais qu’il y a là une détresse à ne pas pouvoir se définir autrement que dans son activité professionnelle. Est-ce de l’humour de dire pareille chose ? Possible. Est-ce une tentation de faire comme si de rien n’était, comme si « ce que je ne vois pas n’existe pas ? » Certainement. Une illustration en tous cas de la Toute-puissance illusoire de l’enfant en lui.

Alors, face au confinement, passons tous de la compétition, avec le virus et l’Autorité, à la coopération avec les éléments et les événements, pour ne pas en souffrir. Ainsi, « le tombeau vivant » peut devenir « le petit nid protecteur »… Il suffit de dire les choses de manière plus positive. Soyons donc très attentifs à la façon dont nous disons ce qui se passe aux enfants et vérifions bien qu’elles sont dites de manière rassurante…

A bientôt.

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