Et s’il fallait se débarrasser de son passé pour une parentalité plus apaisée ?
S’il n’est pas réparé, le passé est voué à faire des ravages dans votre vie. Surtout lorsqu’on parle de parentalité.
Que sont les erreurs répétitives ?
Ce comportement a un nom : les erreurs répétitives. Mais qu’est-ce que ça signifie ? La thérapeute Véronique Salman propose la définition suivante : « les erreurs répétitives sont des comportements contreproductifs, que l’on a l’habitude de proposer dans sa relation avec autrui, tout au long de sa vie. Elles émanent d’un conditionnement hérité de l’enfance et des situations désagréables habituelles que l’enfant a vécues auprès de ses figures d’attachement : un parent trop absent, trop peu investi ou, au contraire, dévorant d’amour, terriblement protecteur, d’humeur inégale, trop angoissé, peu pédagogue, très autoritaire… La souffrance, en psychanalyse, est une notion vaste ! ».
Mais pourquoi répéter ce qui nous a fait souffrir dans l’enfance ? Véronique Salman poursuit : « c’est en voulant s’adapter au milieu dans lequel il doit grandir, que l’enfant normalise ces situations de souffrance pour, précisément, cesser d’en souffrir. Or, dès qu’une expérience durable est normalisée, elle est appelée à se reproduire plus tard, sur soi-même, sur l’autre ou, pire encore, sur les deux. C’est ce trio infernal souffrance-normalisation-reproduction que j’ai appelé La Trilogie inconsciente et qui pénalise durablement la relation à autrui», ajoute la psychanalyste.
Les erreurs répétitives sont donc des schémas constants qui ne colorent nos comportements que si nous ne parvenons pas à distinguer ce qui doit être conservé de ce qui doit être rejeté de notre éducation et des modes de communication au sein du système familial. Faire ce tri, grâce à une conscience éclairée par la psychanalyse, permet d’aller mieux et de faire table rase avec le passé et ses conséquences.
Un schéma inconscient qui se répète de génération en génération
Bien que la plupart de ces comportements aient eu lieu dans l’enfance, leurs répercussions sont bien palpables même une fois l’âge adulte atteint. Plus encore, vos enfants peuvent en pâtir.
Véronique Salman relate plus d’une trentaine de cas d’erreurs répétitives, dans son livre « Je me libère du passé, comprendre ses erreurs pour ne plus les répéter » (Éd. du Dauphin). Pour chacun, elle raconte à quel point ces répétitions sont inconscientes. Il y a Jean, qui fait pâtir son épouse et ses enfants d’une distance froide, exactement celle de sa propre mère. Il y a Joy, enceinte de sa deuxième fille, qui déplore de ne pas attendre un garçon, selon un discours que sa mère et sa grand-mère ont tenu avant elle. Et Rebecca, mère ultra-dynamique de deux fillettes, qui ne se rend pas compte à quel point elle les sollicite trop, comme son père l’avait fait dès sa plus tendre enfance. Il y a ce couple aussi, qui reproduit un système familial commun, avec une mobilisation très forte pour le travail chez la jeune mère et la question domestique et du soin aux petits attribuée au jeune père.
Dans ces schémas de répétition, aucun n’est capable spontanément de faire le lien entre ce qui a été vécu dans l’enfance et ce qui se passe actuellement. « En psychanalyse, déclare Véronique Salman, nous cherchons alors à établir une conscience du poids du passé pour qu’il n’interfère plus dans le présent ».
Comment déterminer si nous ne reproduisons pas des horreurs d’antan ? Véronique Salman considère qu’il est bon d’observer nos attitudes de la vie quotidienne. Par exemple, Jérôme est père de deux enfants. Un soir, au dîner, son fils de dix ans secoue un sachet de gruyère râpé, au-dessus de son assiette. Problème, le sachet est fermé par un zip. Au lieu de le lui faire calmement remarquer, Jérôme lui lance vertement « mais, vraiment, quel débile ! quel couillon ! ». Cependant, cette spontanéité le navre et, le lendemain, il en parle lors de sa séance de psychanalyse. Jérôme a lui-même vécu une enfance douloureuse, faite d’insultes et de dénigrements. Véronique Salman l’encourage donc à réfléchir sur ce qui pourrait avoir été déjà vécu, du même ordre. Rien ne lui vient. Il appelle alors sa sœur, pour lui expliquer la situation, et celle-ci n’est pas surprise. Elle lui rappelle que leur père le traitait souvent de « débile » et de « couillon ». Jérôme l’avait totalement occulté. Nous sommes bien en présence d’une Trilogie inconsciente !
Autre exemple, celui de Laurent qui rudoie son fils de treize ans. Il ne sait pas pourquoi, tout en déplorant de « devoir le faire ». Cette attitude correspond aux mauvais traitements qu’il a subis de la part d’une mère acariâtre et d’un père trop faible et complaisant pour le protéger. « Dans mon livre, explique Véronique Salman, je décris la vitesse à laquelle Laurent a pu reconsidérer son système éducatif, grâce à une compréhension fine de son histoire. Je pense aussi à la maman de Raphaël, étudiant habituellement brillant, qui a fait subir à son fils un niveau d’exigence hors norme, elle-même ayant toujours été poussée par son père à réussir ses études. Le sabotage, auquel Raphaël se prête au point de risquer de ne pas obtenir son diplôme, vient dire combien l’éducation, si elle est source de souffrance, peut tourmenter de génération en génération ».
Donner du sens à nos comportements permet sans aucun doute de les réformer. « J’adore décrypter les anecdotes de la vie courante, explique Véronique Salman, baptisée la Psychanalyste du quotidien. Anodines en apparence, elles illustrent parfaitement le phénomène de reproduction inconsciente des erreurs. L’inhibition, le manque de confiance en soi, le sentiment d’abandon, les difficultés relationnelles, sont directement engendrés par des erreurs répétitives éducatives, qui viennent confirmer la croyance que l’on est bon à rien. Or, ajoute-t-elle, elles ne sont pas les causes des problèmes d’aujourd’hui mais les conséquences d’un vécu ancien. Rien n’est jamais figé quand on prend conscience de la répétition d’anciens schémas ».
Comment mettre fin à cycle de souffrances et de normalisations ?
La première solution consiste à chercher à se souvenir. Il est important de dire combien certains événements de l’enfance ont laissé un goût amer dans la bouche et que cette amertume résiste au temps. Deuxième étape, il est bon de se poser les questions suivantes « Que pourrais-je faire, qui ne dépende que de moi, pour améliorer quelque chose ? » « Comment puis-je, moi-même, cesser d’engendrer les mêmes systèmes ? ». Dans son livre, Véronique Salman propose dix-huit pistes de réflexion qui vous aideront à mettre fin à ce cycle de normalisation de la souffrance. Parmi elles, on retrouve :
- Nous ne sommes pas obligés d’aimer nos parents
- Non, nos parents n’ont pas fait ce qu’ils ont pu
- Nous ne pouvons les aimer qu’à certaines conditions
- Nos parents ne doivent pas forcément être nos modèles
- Nous ne sommes ni coupables ni redevables
- Nous avons le droit au respect de nos parents
- Éduquons nos parents à être nos proches
- Optons pour une saine distance dans toute relation
- Demandons un mea culpa à nos parents défaillants
Enfin, Véronique Salman, recommande la psychanalyse pour devenir soi et non une copie du mauvais parent modèle. Cet accompagnement, destiné à redonner des perspectives en matière de relation à autrui, en vaut largement la peine, surtout en matière de parentalité.